LA DOULEUR

Douleur Chronique
Un problème de santé publique


La douleur chronique reste l’un des problèmes médicaux les plus difficilement reconnus et les moins bien pris en charge actuellement. Toutes douleurs confondues, cinquante millions d’Européens souffrent de douleurs chroniques. Parmi elles, les lombalgies occupent une place prépondérante. En Europe, 50% de la population en souffre, 12 % quotidiennement, 38 % occasionnellement. L’association internationale pour l’étude de la douleur définit celle-ci comme expérience sensorielle ou émotionnelle désagréable résultant d’une atteinte tissulaire réelle ou potentielle.



‘’Lorsque les indications sont bien posées, l’efficacité de la neurostimulation est remarquable…’’



Extrait de l’interview du Pr Lazorthes, chef de service de neuro-chirurgie à l’hôpital Rangueil, à Toulouse, et précurseur dans le domaine de la neurostimulation médullaire. Actuellement, soixante à soixante-dix implantations de stimulateurs médullaires sont effectuées par an dans son service.



En quoi consiste la technique chirurgicale ?



Jusqu’alors, les seules techniques chirurgicales de traitement des douleurs chroniques et rebelles étaient des sections, des interruptions des voies anatomiques de la douleur (radicotomies, cordotomies).
La neurostimulation médullaire est révolutionnaire car c’est une chirurgie totalement conservatrice, parfaitement réversible et très peu invasive.
L’essentiel est de poser la bonne indication. Afin d’affiner l’indication et avant l’implantation d’un stimulateur, il est nécessaire d’effectuer un test de stimulation percutané pendant une à deux semaines. La technique est simple. Sous anesthésie locale et sous contrôle radio-graphique, on glisse une électrode derrière la moelle à ‘aide d’une aiguille à partir d’une ponction lombaire basse. Cette électrode sort de la peau et est connectée pour un progénérateur d’impulsions portable. Le patient fait alors ses essais chez lui, dans ses conditions de vie habituelles, durant quinze jours. Ce n’est qu’en cas de bénéfices significatifs que la décision d’implantation définitive est prise.

L’intervention consiste à retirer cette électrode temporaire percutanée et à placer une électrode définitive.
Deux possibilités s’offrent au neurochirurgien, l’une par technique percutanée sous anesthésie locale, l’autre par laminectomie sous anesthésie générale.
L’avantage de la première est d’être moins agressive et de ne nécessiter qu’une courte durée d’hospitalisation (trois jours). De plus, elle permet au chirurgien déjà orienté par la radiologie d’être guidé par le patient réveillé. En effet, la localisation de l’électrode dans l’espace épidural est optimale grâce à des stimulations préopératoires. Des sensations nouvelles de paresthésies doivent se superposer au territoire de la douleur. Cela prouve l’efficacité de la technique. La seconde méthode est nécessaire en cas de déplacement secondaire prévisible de l’électrode. Il s’agit alors d’une intervention plus lourde sous anesthésie générale. Dans ce type d’opération, l’électrode est une plaque fixée. Après mise en place de l’électrode, on fait glisser son extension et sa connexion sous la peau et on la relie au stimulateur, lui-même placé en sous-cutané, à l’endroit choisi en accord avec le patient.



Quelles sont les indications de ce traitement ?

Je soulignerais en premier lieu le caractère très sélectif de l’indication. L’évaluation du patient candidat à ce type d’intervention doit être précise et se faire par une équipe multidisciplinaire au sein d’un centre antidouleur. Il est indispensable de vérifier scrupuleusement tous les critères d’indication. Il est essentiel de mener une enquête pharmacologique précise et d’éliminer toutes les causes d’échec et les contre-indications.
Ce traitement est indiqué en cas de douleurs chroniques rebelles au traitement médical. Cette technique n’est efficace que sur les douleurs neurogènes, c’est-à-dire dues à une lésion du système nerveux, des voies de la sensibilité ne répondant pas au traitement spécifique bien conduit (antidépresseurs tricycliques, anti-épileptiques). Les principales indications sont donc les sciatiques chroniques unies ou bilatérales multi-opérées du rachis lombaire.
Ce sont également les traumatismes nerveux périphériques comme les lésions traumatiques d’un nerf périphérique accompagnant une fracture, une amputation, l’arrachement d’un plexus (plexus brachial lors d’un accident de moto). Enfin, il s’agit également de lésions de la moelle épinière, traumatiques, post-traumatiques, post-chirurgicales ou du zona. En dernier lieu, il est indispensable de réaliser des tests rigoureux, et prolongés avant toute décision de pose d’un stimulateur.



Pour bénéficier de ce traitement, qui faut-il consulter ?

On peut s’adresser aux structures spécifiques de prise en charge de la douleur, aux centres anti-douleur et aux services de neurochirurgie qui en ont l’expérience et disposent de moyens suffisants. Actuellement, tous les centres pluridisciplinaires qui disposent des différentes stratégies thérapeutiques sont capables d’utiliser cette technique. Je voudrais dénoncer une dérive récente due au développement de la chirurgie de Parkinson. En effet, ces cinq dernières années, certaines équipes ont investi l’essentiel de leur capital en neurostimulateurs dans ce domaine et ont diminué leurs possibilités de traitements des douleurs neurogènes.



A-t’on pu évaluer l’efficacité de cette technique ?



Elle est remarquable. Nous avons effectué en 1975 avec la collaboration du Dr Siegfried (Zurich) une étude rétrospective sur une série de plus de six cents patients opérés et suivis sur trois à dix-huit ans. Les résultats en termes d’analgésie globale à long terme sont de 50 à 60%.
Cela se traduit par une amélioration notable de la qualité de vie.
En termes de reprise d’activité, les situations sont variables. Certains patients implantés et stimulés travaillent et n’ont jamais cesser de le faire.



La réserve que l’ont peut émettre est que cette technique est coûteuse. Quelle est votre opinion ?

Le coût de cette intervention est de 45000 F (électrode comprise). Mais ramené en coût de traitement journalier, ce coût est finalement très raisonnable surtout quand on tient compte de la diminution de la consommation de médicaments, des hospitalisations, des séjours en centre de rééducation, des arrêts de travail répétitifs.

IMPAX MEDECIN HEBDO n° 516 du 5 janvier 2001

Orphanet


Copyright : (c) ELARH Auteur : M Serge Luc
Date de création : 16/02/2005 Date de mise à jour : 18/06/2008